L'Eglise de Miquelon
En 1856, l’église de Miquelon se trouvait en très mauvais état. Lors d’un violent coup de vent, la toiture qui était faite en trois parties vit une part de son revêtement en bardeaux de bois et quelques planches s’envoler. Il faut savoir que cette église avait été allongée en 1849, puis à nouveau en 1853. Toute l’ancienne toiture était à refaire, mais comme nous étions au mois de juin, on ne pouvait que prévoir des réparations provisoires. L’année suivante, les travaux de construction d’un nouveau presbytère retardèrent ceux à faire sur l’église. On y fit quand même quelques réparations, mais on dut se rendre à l’évidence : la solution résidait dans la construction d’une nouvelle église.
Le projet fut étudié en Métropole et modifié suite à des propositions faites par les responsables locaux, afin de tenir compte du climat particulier de l’archipel. On décida par exemple de renoncer à l’utilisation de «bitume artificiel » sous le plancher de l’église en raison de prompt assèchement du sol sablonneux, et de le remplacer par un simple bétonnage maigre de 8 centimètres d’épaisseur et de 1 mètre de large au pourtour du bâtiment.
Les fouilles ainsi que les fondations furent exécutées en 1862. La confection des portes et des fenêtres fut confiée à un entrepreneur de Saint-Pierre, Louis Durand. La porte principale de l’église revenait à un prix aujourd’hui dérisoire : elle fut facturée 10 francs 25 centimes.
La charpente de la toiture, assez impressionnante, fut envoyée préfabriquée de Métropole. Toutes les poutres sont assemblées par des chevilles en bois. La construction fut achevée en 1865 et l’édifice fut inauguré, le 1er novembre de cette même année. Pour la petite histoire, lorsque les Acadiens arrivèrent à Miquelon en 1763, ils étaient très pauvres et n’avaient donc pas les moyens de financer la construction d’une église. C’est le père Ardilliers (curé venu avec Dangeac), l’un des neufs héritiers d’une famille aisée qui, avec sa sœur religieuse au couvent Notre-Dame des Ardilliers près de Saumur sur la Loire, avança vraisemblablement une partie de l’argent nécessaire à la construction. C’est donc en hommage à ce prêtre qu’un siècle plus tard, on plaça à nouveau cette église sous le vocable NOTRE-DAME DES ARDILLIERS. En cette même année 1865, l’Empereur Napoléon III fit don d’une magnifique peinture, une reproduction de « l’Assomption » de Murillo (peintre espagnol du 17ème siècle) qui orne le fond du chœur.
Le plafond de l’église, à l’origine, était composé d’une seule nef plafonnée ; mais avec le vent violent que nous connaissons, tout le bâtiment bougeait. Vers 1900-1905 Mgr Oyehnard alors curé de Miquelon, le partagea en 3 nefs voûtées, tel qu’il est aujourd’hui. On dut aussi y ajouter des tirants transversaux en fer soutenus en leur milieu par des barres descendant du sommet de la toiture. Tous les poteaux qui soutiennent les voûtes furent recueillis auprès des habitants par ce même curé. Ils provenaient de pièces de bois trouvées sur le rivage. Le clocher, supporté à l’Est par la toiture, bougeait lui aussi. Mgr Oyehnard fit donc placer par l’intérieur deux poteaux pour le soutenir. L’un est le mât d’une goélette de la « Morue Française » échouée à l’Est du village et l’autre le grand mât de la goélette « Ali-Baba » perdue sur les bancs de pêche le 13 septembre 1900 et retrouvée chavirée 37 jours plus tard à l’Ouest de Miquelon avec treize cadavres de marins Saint-pierrais. Le curé l’avait acquis pour la somme de 15 francs.
Depuis, des travaux d’entretien ont régulièrement été effectués et la toiture du cloché a été entièrement refaite. Victoria-Blanche et Clément-Amélie, les deux cloches qui dominaient le village depuis le 1er février 1931, ont vu arriver en 1988 une compagne baptisée Marie-Jeanne offerte par le Révérent Père Frédéric Heudes. En 1989, la grotte de Notre-Dame de Lourdes à gauche du chœur, a été magnifiquement décorée d’une peinture d’artiste exécutée par Mme Yvette Detcheverry.
De superbes vitraux y ont également été installé et sont dus au maître-verrier Fabien Schultz.
Le 3 mai 1914 naissait à l’Ile aux Chiens, Frédéric Victorien HEUDES. Fils de père « Pied Rouge » et de mère Miquelonnaise, c’est à l’âge de 10 ans, qu’il partit faire ses études en Métropole pour ne revenir à Saint-Pierre qu’à l’âge de 17 ans en 1931. Il s’en retourna, puis en 1933, entra au noviciat et fit ses premiers vœux de religion. Après deux années de philosophie à Mortain dans la Manche et une année de théologie à Chevilly, il part enseigner le français, l’histoire et la géographie au Canada, au Collège St-Alexandre près d’Ottawa. En 1939, la guerre éclata ; impossible donc de regagner la France. Après un séjour près de New-York, il est mobilisé en 1940, puis embarqué sur le navire Champlain pour se rendre en France.
Il entre à la caserne du 8ème Génie le 1er mai. A la fin du mois de juillet 1940, il est démobilisé, puis part terminer ses études à Chevilly. Il sera ordonné prêtre le 9 avril 1945, avant de revenir à Saint-Pierre pour y célébrer sa première messe en compagnie des Pères Auguste Gervain, Pierre Gervain et Georges Briand. Il y restera 11 ans, de 1945 à 1956 et enseignera au Collège Saint-Christophe. En 1956, il est nommé rédacteur de langue française à l’agence Fides du Vatican, poste qu’il occupera pendant 20 ans. Pour cause d’asthme, il doit revenir en France, et plus précisément à Clermont-Ferrand où il reste de 1976 à 1985. C’est alors que Monseigneur Maurer lui demande de rentrer dans l’archipel afin de remplacer le père Jean qui doit partir. Après un an à Saint-Pierre, il est nommé curé de Miquelon le 21 septembre 1986. Le père Heudes décéda le 28 novembre 1994, à l’âge de 80 ans.
Jean-Pierre Detcheverry