Le climat de l’archipel
Le Climat de l’archipel a été tellement bien décrit par Aubert de la Rüe, géologue ayant séjourné dans l’archipel durant plusieurs années, qu’il est difficile de faire mieux !
« Le climat de Saint-Pierre et Miquelon est rigoureux, mais parfaitement sain. Il est anormalement froid pour la latitude, la moyenne annuelle de la température étant seulement de +5°5’. Ceci tient aux masses d’air polaire glacial qui affluent des régions arctiques et aux eaux marines froides amenées par le courant de Baffin ou du Labrador, qui baignent les côtes de l’archipel.
Les minima absolus enregistrés à St. Pierre sont de -20° à -22°, mais ils sont très exceptionnels et ne dépassent guère en général -15° à -17°, températures relevées deux ou trois fois tout au plus au cours de chaque hiver, pendant une courte durée, à l’occasion des vagues de froid qui arrivent du Canada quelque peu atténuées. Les températures hivernales n’ont cependant le plus souvent, rien d’excessif, mais l’humidité et le vent les aggravent considérablement et rendent le froid pénible.
Quatre mois : décembre, janvier, février et mars ont des moyennes négatives, janvier et février étant les plus froids avec -3° ou -4° de moyenne en général. Le thermomètre oscille d’habitude pendant cette période entre -10° et +5°. En hiver, la mer ne gèle que très exceptionnellement autour des îles au point d’interdire la navigation. Il arrive néanmoins à partir de janvier et jusqu’au début d’avril que des banquises en dérive, provenant des régions arctiques, s’amoncellent autour des îles, qu’elles libèrent en général au bout de quelques jours, entraînées par les vents et les courants.
Au printemps, les températures sont très longues à se relever et le fond de l’air demeure glacial jusqu’à la fin de mai, d’où le caractère tardif de la végétation, les arbres ne se couvrant de feuilles que pendant le courant de juin. Les gelées nocturnes, encore fréquentes en avril, se produisent d’ordinaire jusqu’au 15 mai, quelquefois plus tardivement, mais du début de juin à l’automne, les températures sont toutes positives.
Il peut y avoir des journées très douces en juin, surtout par vent de Sud-Ouest, mais la température ne se réchauffe véritablement qu’à la fin du mois, pour osciller entre +10° et +20° pendant l’été, dont la moyenne ne dépasse pas + 15°, Si, au cours de cette saison, le thermomètre ne s’abaisse pas au-dessous de +7°, il ne s’élève par contre guère au-dessus de 22°. on a enregistré certaines années des maxima de l’ordre de 29°, mais ils correspondent à des valeurs tout à fait exceptionnelles.
Il y a déjà, en septembre, des journées assez fraîches, mais les premières gelées, encore rares et peu accentuées, ne se produisent pas avant la seconde quinzaine d’octobre. Ce mois, qui est souvent l’un des plus beaux, compte encore des journées très douces. C’est seulement vers la fin de novembre que les gelées deviennent assez prononcées pour durcir la surface des tourbières et faire prendre les étangs. En général, ceux-ci ne gèlent définitivement qu’à partir du 15 décembre, le demeurant jusqu’en mars et certaines années même jusqu’en avril. Les étangs salés gèlent plus tardivement, en janvier seulement et sont libérés de leur glace plus tôt.
Le climat océanique dont jouissent les îles Saint-Pierre et Miquelon présente des écarts de températures relativement considérables. La différence entre le mois le plus froid (février -4°2) et le plus chaud (août 16°1) est de plus de 20°. L’amplitude thermique diurne, de 5° à 10° n’est pas excessive, mais la rapidité avec laquelle se produisent les changements de température au cours d’une même journée, en étroite relation avec les variations de direction des vents, sont assez désagréables et constituent l’un des traits remarquables du climat.
Le degré hygrométrique est élevé et varie peu d’un mois à l’autre, étant en moyenne de 82 à 84 p. 100 pour l’année. Les vents du Nord et de l’Ouest sont les plus secs, ceux du Sud (SW à SE) les plus humides.
Le territoire connaît une proportion de jours de brume très considérable, due à sa position géographique, proche du point de rencontre des eaux froides du courant du Labrador et des eaux tièdes du Gulf Stream. Leur nombre varie de 85 à 120 suivant les années et chaque mois en compte une proportion variable. Le nombre des heures de brume, en moyenne de 50 en décembre, s’élève à 300 heures en juillet. La période la plus défavorable, sous le rapport de la brume, s’étend d’avril à fin juillet.
Les précipitations atmosphériques sont abondantes et la quantité d’eau qui tombe annuellement, sous forme de pluie et de neige, est de 1328.5 mm. Les années sèches ne reçoivent guère plus de 1.000 millimètres, mais le total des plus pluvieuses peut dépasser 1.500 millimètres. Les fortes pluies sont amenées par les vents doux du Sud-Est. Elles peuvent donner un total de 60 à 70 millimètres en 24 heures. Les averses orageuses, accompagnées de manifestations électriques, sans être très violentes, ne sont pas rares certaines années.
Les premières chutes de neige se produisent en octobre et plus habituellement en novembre, ne blanchissant d’ailleurs les îles que d’une façon éphémère. En décembre, elles deviennent plus sérieuses, mais il est rare qu’elles forment une couche permanente avant la fin du mois. L’enneigement est très inégal d’une année à l’autre. En général, c’est en février et au début de mars que la couche est la plus considérable. Du fait de la violence du vent l’épaisseur de celle-ci est très inégale. Dans les parties boisées de Miquelon et Langlade, les plus abritées du vent, elle peut atteindre jusqu’à 0m.60 ou 0 m.75.
Certaines tempêtes de neige revêtent une violence inusitée. Ce sont les coups de poudrin, amenés par des vents froids et secs du NE, véritables blizzards, dont on compte en moyenne deux ou trois par hiver.
C’est en mars que s’amorce la longue et désagréable période du dégel, battant son plein dans la deuxième quinzaine du mois. Généralement, la plus grande partie de la neige a disparu au début d’avril, bien que certaines années la fonte ne s’achève qu’au milieu de ce mois. Des chutes de neige tardives, comme il en survient encore parfois en mai, peuvent redonner pendant quelques heures, ou même quelques jours, une physionomie toute hivernale aux îles.
Les dernières flaques de neige, là où celle-ci s’est trouvée accumulée sur de grosses épaisseurs pendant l’hiver, dans certains ravins ou sur des pentes abritées, sont longues à disparaître et persistent parfois encore à la fin de juin. A cette époque, il arrive que les tourbières soient encore partiellement gelées à une certaine profondeur, bien qu’elles soient généralement dégelées à la fin du mois de mai.
Le temps est très variable et la rapidité avec laquelle il change est déconcertante. La fréquence du vent est également un des traits dominants du climat. La pression barométrique est caractérisée par une extrême instabilité, surtout entre octobre et juin, ce qui entraîne un régime très venteux. Les coups de vent les plus nombreux sont provoqués par des dépressions cheminant d’Ouest à l’Est. En hiver, leur trajectoire passe habituellement au Sud de l’archipel, provenant de fortes tempêtes du Nord-Est. En été, le centre des dépressions se déplace généralement plus au Nord, donnant lieu à des tempêtes du Sud-Ouest. Le vent débute alors au Sud-Est pour finir au Nord-Ouest, accomplissant sa giration par le Sud.
Les mois d’été sont les plus calmes, mais de fortes perturbations, celles-ci d’origine tropicales, peuvent survenir à partir du 15 août. Ces queues de cyclone provoquent certains étés de redoutables tempêtes.
Roger Etcheberry